Nasser Bouzid
Résidence Sète 1992
32 pages N/B, 16 x 22 cm, couverture souple
Tirage 1000 exemplaires
Entretien Hubert Besacier/Nasser Bouzid (français)
ISBN 2 908964 18 X


Prix  10€

 

"J’aimerais construire des lieux qui ne servent à rien, et qui donc rejoindraient mon désir de ne rien dire. Construire des dispositifs qui ne soient plus des sculptures mais des lieux de déplacement, qui n’aient ni valeur de sculpture, ni valeur d’habitation, et qui répondraient un peu à une vision laïque du silence" déclare Nasser Bouzid de son entretien avec Hubert Besacier, en ouverture du livre. Un entretien qui nous permet de saisir toute la subtilité du travail de l’artiste et d’approcher avec précision les enjeux plastiques et conceptuels des œuvres ici présentes.
Le cahier noir et blanc titré : Dessins, maquettes, constructions, nous ouvre,  par le biais de photographies de maquettes, aux sculptures  modulaires de l’artiste. Sculptures qui nous offrent la vision d’une organisation savamment construire, à l’image de  ce jardin à la française qui illustre la couverture du livre, à l’exception qu’ici, l’intérieur des dispositifs modulaires n’est jamais accessible. Seule possibilité : une circulation périphérique qui rend perceptible, lorsque l’on se déplace, les pleins et les vides définis par l’assemblage des différents modules. Extension et restriction. Double paradoxe d’une forme purement géométrique (carré ou rectangle), "d’un principe (d’agencement) suffisamment basique – voire simpliste – pour arriver à un point ou l’ensemble va se complexifier", comme le souligne Hubert Besacier.
Dès lors, qu’ils s’agissent de ces constructions modulaires ou simplement de l’occupation d’un espace par ce cube noir fixé au plafond au-dessus du regardeur, (dont il est longuement question dans l’entretien) tout se joue dans ce rapport "objet –corps".  Parce que  l’idée de construction est liée pour l’artiste à celle de la pénétration dans un espace, elle implique nécessairement cette double condition du corps - dans l’espace, et face à l’objet - dont l’acceptation "ramène (finalement) l’individu à sa position véritable", comme le souligne Nasser Bouzid.
Si Hubert Besacier voit dans ces dispositifs impénétrables quelque chose du désordre, "d’un désordre puissant", qui rendrait "l’espace impossible à vivre", Nasser Bouzid préfère au contraire y voir un ordre qui instaurerait à chaque chose – à l’espace, à l’objet et au corps -  une place définie. "Refuser l’hybride", comme il le dit, n’empêche pas pour autant de créer une tension, mieux, une distorsion, entre ces éléments : "En définitive, ce cube qui a des dimensions de 1m x 1m, peint en noir, installé à 2 mètres, crée autant de problèmes qu’une photo construite à partir de données sexuelles, comme dans certains travaux de Geneviève Cadieux par exemple. Comment ce volume qui est très basique, parvient-il à créer une distorsion aussi forte que ces photos extrêmement dérangeantes ? Voilà la question que je pose".

Le livre de Nasser Bouzid, édité en 1992, est à l’image de l’œuvre.  Sobre, clair et soigné, il  nous donne à voir le travail avec une accessibilité immédiate, sans détour ou effet de style dans la mise en page. Dans le cahier : Dessins, maquettes, constructions, les doubles pages créent toujours un face à face entre les maquettes et les dessins qui tour à tour les engendrent et en découlent. Des dessins qui conservent leur autonomie propre, pour évoquer d’un coup les motifs décoratifs hérités d’une longue tradition arabo-musulmane.


V.L