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Melanie
Counsell / bag
Sète 2003
Textes Elisabeth Lebovici français & Phyllida Barlow anglais
(ils sont en version originale et ne sont pas traduits )
64 pages quadri, 12 x 18 cm, couverture rigide, reliure Hollandaise, tirage 600 exemplaires. En coproduction avec le Centre Régional d'Art Contemporain Languedoc Roussillon
ISBN 2-908964-34-1
Prix 15 €
Qu’elle soit pelliculaire ou digitalisée, l’image photographique apparaît toujours comme un double phénomène: d’une part, elle est un fait, une donnée (data), une prise opérée sur le réel et un morceau de réel. De l’autre, l’image est aussi une révélation. Qu’elle fasse son apparition après être passée par différents bains du révélateur au fixateur ou qu’elle surgisse après un plus ou moins long téléchargement sur l’écran de mon ordinateur ne change rien à ce double caractère. D’un côté il y a ces opérations mécaniques ou numériques qui révèlent l’image. De l’autre
côté, dès qu’elle est apparue, il y a cette unité irréversible et irré-médiable de l’image. Une photo faite est une photo faite.
Une photo faite est une photo faite est une photo faite, c’est certain.
Sous l’effet de la lumière, le papier sensible de la photo-graphie devient sensibilisé; cette opération terminale se négociant en général sans espoir de modification ultérieure ou de repentir. La photographie s’accomplit ou alors elle se jette. Les dés sont jetés. Sans retour en arrière possible. Même si le savoir-faire du numérique permet de l’effacer et sans doute de l’oublier dans ce refoulement technologique.
Son caractère m’apparaît toujours un peu miraculeux lorsque je feuillette sur l’ordinateur, ces photos publiées en livre. Sans doute parce que sais que la photo est à la fois un faire et un fait, un appareil et un processus, qu’elle procède d’un certain nombre d’opérations tout en étant dotée de toujours plus
d’"immédiateté", depuis l’instantané (l’appareil "Instamatic" de mon enfance, cadeau de communion pour les autres, et que je ne fis jamais) jusqu’aux caméras numériques d’aujourd’hui (que je n’arrive toujours pas à acheter) Comme l’ange des Annonciations: j’y vois l’annonce que l’image vient et elle est bien arrivée.
D’où son utilisation pour les artistes. La photographie permet de recueillir des faits. Chaque image est un fait, non doté de la double articulation du langage. "Quand les mots font défaut", When Words Fail, reprend Rosalind Krauss1. Faits: quelques fleurs de budleia (= lilas de chine) floues; un sac en papier gonflé, fermé, par terre; un cercle évidé au périmètre sombre, comme une chambre à air, suspendu dans un atelier, plutôt près du sol… Déjà le langage ripe, qu’est-ce qui me permet de décrire le cercle comme un pneu, qu’est-ce qui me permet de parler d’atelier? Des fruits pelés dans un bol, de la matière blanchâtre tranchée… La description devient floue, imprécise. Des figures géométriques dotées d’épaisseur: la forme d’un cercle évidée dans un rectangle; un parallélépipède extrapolé de quatre contreforts rectangulaires, elles deviennent folles, un parallélépipède à tiroirs, un poing noir tendu dans un sac transparent qui fait corolle, un linguam-plug-tétine, une veste ou un veston à béance, un sac en en plastique fist-fucké…Mais je m’égare. Tu vois du sexe partout ma fille, tu es complètement timbrée.
Et je m’égare.
Et si c’était précisément là où les mots manquent ou dérapent que l’image photographique résiste? Non par anti-intellectualisme, non par tentation béate d’incommunicabilité, non par mysticisme, mais par cette volonté têtue, insistante, idiote, presque de ne pas se soumettre à telle ou telle assignation sexuelle? Et si le désir photographique annulait en quelque sorte le binarisme de la différence des sexes (si chère à la majorité
des psychanalystes, encore aujourd’hui) inscrite dans le langage même? S’il brouillait la polarité homme-femme et annulait de ce fait les lois du monde dualiste, manichéen et sa logique duelle ?
Car en se retranchant du langage articulé, le fait de
la photographie annule également le "locuteur qui actualise le discours", c’est à dire, comme l’explique, de façon magistrale, l’écrivain Monique Wittig2, celui "qui se trouve, forcé, s’il en est une (locutrice NDLR) à proclamer son sexe physique (socio-logique), c’est à dire apparaître dans le langage, représenté sous une forme concrète et non sous la forme abstraite que la généralisation nécessite". Si l’on pense que "la catégorie de sexe imprègne tout le corps du langage" et que réciproquement, le langage répertorie par sexe toutes les dimensions de l’expression humaine, alors la photographie nous touche comme une neutralisation, une suspension.
C’est sans doute pour cela que l’exposition, comme le livre d’images, fonctionne dans son organisation ou son accro-chage, non par différences, mais par ressemblances, par affinités, par diffractions.
Car l’image n’est pas un symptôme. Lorsque j’écris que l’image photographique est "intraitable", cela signifie qu’elle est à la fois impossible à réduire à l’analyse symptômale, mais aussi qu’elle a la vie dure, qu’elle ne se laisse pas effacer, qu’elle ne guérit pas. Elle n’a pas ce pouvoir. Pas que je sache.
1 Titre d’un colloque organisé par l’ICP et le Goethe Institute à New York, en 1982 et titre d’un article de Rosalind Krauss, in October, n°22, 1982, trad. fr in Le Photographique, Paris, Macula, 1990
2 Monique Wittig, «la catégorie du genre», in La Pensée Straight, trad. Marie Hélène Bourcier, Paris, Balland, 2001, p131 Monique Wittig, ibidem
Elisabeth Lebovici
a severe weather warning
blackened with dust, darkening the light,
a bright reflection on grey; it is thunderous with the coming storm. slowly, slowly. fragil-ity cushioned forever maybe, long enough to be so sooted over. then the blue. slivers caught on handfuls of cassette tape (collected from gutters and hedges). as the sky darkens again. a black square is sealed, fixed for the dur-ation, its thinness as heavy as lead, and immovable, clamped, like a lid, with grey tape to nothing. morning or evening. a beginning or an ending. who knows? the dull, ochre sun has a grey and blue inner ring, suffocating
on thick brown air. different to the wintery yellow, paired to white. cold cluster, the ici-ness of a january dawn, and as unforgiving. now white. bisected with a razor edged curl.
a surgical slice downwards. precise. a trace. thickening to plum redness, held inside. soft-ening and warming up. a warm darkness filled with blue. streaming and wind-blown. and cold again. and bare. and worn, nearly per-ished. this moon-plug. grey-white in midday when the brass is glinting. another surge. gravity forces. one loosely fallen, the other just there. a placed thing, but both shadow laden, as thick as the sooty dust, and as thun-derous. and another. folded up and taped. a touch put there to hold. horizon shadowed inside, about to unfold, as straight as a sea horizon and as strong, supporting the weight of the shadow slab. more thin weight, and more white, timeless light. another yellow. unmistakable yellow. brilliant, solid and hot. patterned and regular. another midday, a different midday. but not for long. thin grey. split, star-shaped, banded across with white. grey and white. low pressure and static and timeless. another ring. black and dead hanging, and waiting without moving. stillness and temperature-less. no change. white shine on white. earth hulk. hemmed in. dark greying to light. far away. night moving in. time on the move. broken orange. the four o’clock nightfall of late november and the stretched black absorb the light. flattening down,
(not heavily) relaxed and comfortably, edge
to edge, and edge to wall, closing in. breath
is dust. it holds a place and has weight. in time, it will be expelled. for now, it is there, contained, a deposit. its surface crisp and crackling, easily crushed.
Phyllida Barlow
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