Mohamed El baz, Niquer la mort
Sète
Résidence 1993
76 pages trichro, 16 x 22 cm
Tirage 600 exemplaires, dont 100 signés, avec vignette en frontispice
Texte Mohamed El baz (français)
ISBN 2 908964 15 5


Prix 10 €
(non signé) - Prix 20 € (signé)

 

Niquer la mort, livre édité en 1993 par la Villa Saint Clair, suite à une résidence, signe une œuvre marquée par une violence exacerbée, infectée par la terreur de la guerre.

Entre brutalité inhumaine et désespoir impuissant, le récit articule fiction et réalité, s’inspirant d’une correspondance authentique que Mohamed El Baz découvrit au verso de cartes postales du début du siècle et qu’un certain Baptiste Bouteille, soldat en garnison au Maroc, anti-héro par excellence entretenait avec Rose, sa femme restée en métropole. La verve populaire donne son ton d’ensemble à cette poétique outrancière. "Il est normal et naturel d’égorger avant de se faire égorger, d’incendier avant d’être dans le brasier. Quand on célébrera ma mémoire, je te demande de sortir ma dépouille des entrailles de la terre, de me faire prendre l’air même si je tombe en poussière. Tu ne m’y remettra pas avant d’avoir tapissé ma tombe de cadavres. Tu me feras le plaisir en les choisissant tous bien humains, bien innocents. Il se peut alors que tant d’humanité momifiée me fasse revenir à la bassesse de tes sentiments. L’homme est mauvais, c’est sa nature. C’est un honneur que d’être le plus mauvais de tous." Mots d’une rage féroce, qui font échos à ceux  d’un Bardamu, qui dans son Voyage au bout de la nuit nous disait que "la vérité de la vie c’est la mort." et que l’incapacité d’imaginer sa propre mort explique que l’homme puisse se révéler un véritable monstre en temps de guerre. Si Baptiste Bouteille trouve néanmoins dans sa volonté dernière une méthode de survie pour refuser de collaborer avec la mort, la véhémence qui innerve ce récit fictionnel reste palpable de même que le ton sentencieux qui s’en dégage serait  insupportable s’il n’était pas légitimée par une expérience traumatisante. L’impression de truculence qui émane de la gravité du récit est rythmée par des passages de silence qui, telle une exigence esthétique, apparaissent comme pour dénoncer le recours au langage comme le pire des mensonges. Le récit fictionnel qui ouvre et clos la publication s’imprime sur des portraits anonymes inscrits en filigrane des pages, comme figures emblématiques d’une humanité dépourvue d’illusion. Les cahiers  du centre font se succéder les correspondances réelles de Baptiste à Rose, sur papier calque, afin que par transparence, les images de cartes postales d’un Maroc pittoresque surgissent à travers les écrits. Le cahier final, quant à lui, fait défiler sous des portraits noir et blanc, cette phrase lancinante : Ici nous attendrons / le temps qu’il faudra / perdus et fixés à jamais / sans aucune parole / nos yeux crevés résistent / inscrivez vos dents / derrière le sourire / rien ne mène à rien / La ténébreuse attend

V.L