Anne Pesce
Sète Résidence 1989
16 pages N/B, 16 x 22 cm
Tirage 1000 exemplaires
Texte Anne Pesce (français)
ISBN 2-908964-03-1


Prix  10 €

 

"Je m’étonne que les choses soient telles qu’elles ne puissent être autrement qu’elles sont" titre la publication d’Anne Pesce éditée en 1989 par la Villa Saint Clair.

Exploratrice du réel, partie à la rencontre d'espaces lointains (terres australes et antarctiques française, Groenland, Islande.. .) pour capter la phénoménologie d'une nature affranchie de ses références historiques, Anne Pesce développe en retour une pratique picturale  qui se résume en peu de mots : faire l'expérience du monde. "J'ai parcouru le paysage avec lequel mes tableaux voulaient se confondre, un paysage affecté des phénomènes atmosphériques et météorologiques qui l'ordonnent. (…) Puis, je me suis rendu compte que faire l'expérience du monde c'était apprendre à mesurer la distance entre soi et le relief, et plus largement, apprécier la nature des événements naturels." Si la démarche est empirique ; mettre en image une expérience par la peinture ; la conscience d’une distance est toutefois nécessaire pour que "le processus pictural ne révèle non pas un imaginaire pré-existant, mais l'imagination du réel, littéralement sa trans-position.", comme l’affirme Bernard Goy.
Vidéos, photographies, et dessins ne sont pas en reste dans la pratique de l’artiste. Néanmoins ils font figures un peu  à part au sein de la démarche globale d’Anne Pesce, et  acquièrent ainsi un statut plus ambigu en étant, bien souvent, à la fois œuvre et documentation desquelles découlent la peinture. La présente publication, qui figure d’ailleurs parmi l’une de ses premières en dates, a alors choisi de se saisir de dessins, réalisés bien avant les différents périples de l’artiste aux confins du monde. Cinq dessins, ni plus ni moins, mais desquelles s’énoncent déjà la puissance d’un phénomène visuel tel qu’il sera ultérieurement retranscrit dans ses peintures. Des dessins réalisés sur papier épais, et dont l’autonomie n’est pas ici à mettre en doute. De leur tracé volubile et fluide, on ressent encore, malgré leur reproduction pour les besoins du livre, le dépôt poussiéreux du graphite laissé sur le grain du papier, comme si leur réalisation venait à peine d’être achevée. Les particules instables du minerai "floute" légèrement certaines formes esquissées pour les prendre dans leur propre matière, tout comme l’épaisseur de l’air dont l’artiste nous dit qu’il entoure toute chose, accommode le relief à la saison, et  recouvre, modèle ces paysages qu’elle saisi aujourd’hui dans son travail pictural. Si Anne Pesce s’étonne "que les choses soient telles qu’elles ne puissent être autrement qu’elles sont", à notre tour, nous ne pouvons que nous émerveiller de voir dans ses simples dessins, quelque chose d’un instant unique en même temps que son éternité passé et futur contenue dans ses quelques amas de poussières noires  stratifiées sur le papier…


V.L